L’amour fou pour les toutous

Sur les podiums, des mannequins défilent avec des chiens assortis à leurs tenues. En librairie, la vague des livres d’auteurs amoureux de leurs chiens n’est plus un phénomène de niche. Mais nom d’un chien, que se passe-t-il ?

La veste Palace Barbour Camo Dom existe aussi en version canine. (©Barbour)

Parisienne, quadragénaire et célibataire, elle n’a jamais voulu être mère mais elle se considère comme la « dogmum » de Colonel, son border terrier de 4 ans. Son ouvrage  Pourquoi j’ai choisi d’avoir un chien (et pas un enfant), Hélène Gateau raconte sans détour le lien parental qui l’unit à ce « fils poilu ». « Elle lui donne la place de l’enfant qu’elle a décidé de ne pas avoir », écrit Sylvain Tesson dans la préface. Et de renchérir : « La thèse du docteur Gateau (elle est vétérinaire, NDLR) est intégrale : la nature de la parenté est la même chez la mère d’un enfant et la maîtresse d’un chiot ». Vraiment ? 

La « pet-parentalité »

Avec humour et un brin de provocation, l’auteur explique son choix de vie et brosse le portrait d’une parentalité canine bien plus « chouette » que celle d’un enfant. D’abord, elle est plus économique. Il n’y a pas de grandes études à prévoir, de baby-sitters ou encore de vacances en période scolaire à planifier. La « pet-parentalité » semble, ensuite, plus gratifiante. Pas d’ado qui fait la gueule – « Un chien est toujours joyeux et content de vous voir au réveil » –, pas de jugement ou de crise à l’âge adulte. Et Sylvain Tesson d’ajouter : « Le chien ne vous fera pas dans vingt ans le procès de vos méthodes pédagogiques. Il ne lira pas Bourdieu dans son panier. Il n’écrira pas un livre intitulé ‘‘Mes parents sont responsables de mes échecs’’ ».

De plus en plus d’animaux de compagnie

Finalement, préférer un chien permettrait une vie plus sereine, sans bruit – ou si peu –, sans le calvaire des vacances au ski, ni les débuts de journée tsunami. Et puis, pour gérer les « dates » et autres relations intimes, « c’est quand même plus simple qu’un enfant », d’autant qu’après, ce serait « la garantie de rôles plus équitablement répartis au sein du couple ». Si le livre d’Hélène Gateau fait sourire, il pointe aussi du doigt un phénomène de société bien réel.

Le constat est là. Il y a de moins en moins de naissances – on enregistre une baisse de 6,7 % par rapport à 2022(1) – et de plus en plus d’animaux de compagnie. L’un n’est probablement pas totalement lié avec l’autre. Toujours est-il que cela plaît moyen au pape François. Il a rappelé, lors de la première audience générale de 2022, qu’il regrettait que « les chiens et les chats prennent parfois la place des enfants ». En France, 6 personnes sur 10 en possèdent au moins un(2) et près de 49 % vont même jusqu’à le coucher le soir !(3) L’étude ne dit pas si l’animal a aussi droit à une berceuse pour s’endormir.  

Anthropomorphisme

Le roman Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour (éditions Stock), grand succès littéraire, réimprimé 8 fois consécutives, raconte aussi, avec beaucoup de délicatesse, cet amour fou, presque trop fou. « Nous faisons, Mathilde et moi, notre possible pour traiter Ubac comme un chien, c’est le moindre des égards mais l’anthropomorphisme, prétention collante, revient au centuple. À vivre auprès de lui, s’installe cette lente certitude que nos âmes s’alignent jusqu’à se ressembler et l’idée qu’elles se rejoignent n’est pas si répugnante ; ce pas vers l’autre n’est-ce pas cela une relation ? […] J’avoue céder volontiers à l’appel des mimétismes, j’imagine son intérieur, je l’accole au mien, je raisonne en chien et le fais penser en homme. » C’est grave docteur ? Pas plus que cette tendance consistant à s’habiller comme lui. Et avec le prêt-à-porter canin de luxe qui bat son plein, on ne sait plus qui inspire l’autre !   

Hélène Claudel

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