Antoine Rondeau officie depuis 40 ans dans son atelier rue de Miromesnil. Ses clients – du beau monde –
viennent le voir autant pour la qualité de ses services que pour sa gouaille inimitable.
«Être cordonnier, y’a pas de quoi se relever la nuit ! » Nombre de politiques de tous bords se pressent pourtant chez Antoine Rondeau. C’est leur moment de détente, ils peuvent se lâcher et savent que rien ne sortira de son atelier. Que viennent-ils donc chercher chez lui ? « Le style, le soin, le personnage… franchement je ne me vois pas aller chez un cordonnier standard », glisse Hervé, un habitué, venu récupérer sa paire de John Lobb.
Le trublion du soulier
Le style ? Plutôt rock’n roll. Antoine Rondeau a tout d’un Texan, d’un Texan tatoué qui roule en Harley Davidson – « une Road King de 2005 que j’ai faite customiser » – et se voit bien finir sa vie à Ibiza. Mais ne vous y trompez pas. Même si « quand il a de la botte, cela lui fait plaisir », ce trublion du soulier a su très vite se recentrer sur la chaussure classique. On vient chez lui pour ses patins en gomme végétale d’un millimètre d’épaisseur seulement « pour une finition absolument invisible, à ne surtout pas confondre avec un TOPY », insiste-t-il.
Compter 49 € pour une paire. Les semelles cuir sont préparées avec fixateur et des colles sans Toluène sont utilisées pour une adhérence maximum et un respect des matières. « Pas de décroché au niveau du profil, une pureté absolue. » L’objectif ? « Isoler la semelle cuir de l’humidité et d’une usure prématurée. » Ce qui lui vaut d’être référencé chez Chanel, Rossi, Hardy, Céline… et d’attirer une clientèle anglaise dont on connaît l’amour du beau soulier. Voilà pour le soin. Quant au personnage, cela fait aujourd’hui 40 ans, jour pour jour, qu’il est installé rue de Miromesnil dans le 8e.
« J’avais 23 ans quand j’ai été embauché dans cet atelier. J’avais quasiment carte blanche. En 1996, j’ai racheté le fonds de commerce et j’y suis encore ! »
La plus petite botte du monde
C’est qu’il a de la suite dans les idées Antoine Rondeau, et pas la langue dans sa poche ! Depuis l’âge de 14 ans, il n’a qu’une seule envie, c’est travailler. Trop jeune ? – « L’artisanat en 1977 ? Une blague ! ». Il obtiendra une dérogation pour un apprentissage chez un maître cordonnier à Nantes, la ville dont il est originaire. « L’abattage, ce n’est pas pour moi, je voulais faire du traditionnel », glisse-t-il. Et comme la vie n’est faite que de rencontres, Dick Rivers – dont il conserve précieusement une paire de bottes confiées par son épouse –, Johnny Halliday, Sofiane Pamart, Jacquemus… font partie de son carnet de bal. La plus petite botte au monde ?
Il la doit à sa rencontre fortuite avec une cliente responsable du Guinness Book des Records. « Cinq heures de travail pour façonner une botte de 9 cm de long, 6 cm de haut et 2 cm de large, tout en cuir, homologuée le 3 septembre 1985 », peut-on lire dans le France Soir de l’époque. « Je sais rester à ma place, je fais du service mais, attention, je ne suis pas à votre service ! », ironise ce Nantais intarissable. Alors encore trois petits conseils d’Antoine Rondeau pour fermer la boucle. « Sur du cuir sec, il faut plus de soin sinon on étouffe le cuir. Ne jamais sous-estimer les embauchoirs si vous voulez vraiment prendre soin de vos souliers. Et mieux vaut de l’eau déminéralisée que du champagne pour un glaçage ! »
Par Caroline Knuckey