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Les « double boucle » font la paire

Moins classique que les traditionnels richelieus, plus sophistiqué que les derbys, le « double boucle » séduit les vrais amateurs de souliers qui y voient un compromis décontracté au style affirmé. Rencontre avec le troisième type. 

Créé dans les années 80, le Neal est l’un des modèles stars d’ Aubercy. Il a été conçu pour que le bas du pantalon arrive juste à recouvrir une seule des deux boucles.

Quel était le modèle mis à l’honneur de la sixième édition du World Championships of Shoemaking 2025 qui s’est déroulée à Londres en mai dernier ? Le « double boucle » ! Il était demandé aux participants – des bottiers du monde entier – de réaliser une version à bout droit, de couleur brun foncé, avec une semelle en cuir et un montage Goodyear. Parmi le jury, des maîtres comme Jean-Michel Casalonga (ancien de chez Berluti aujourd’hui installé dans la maison Cifonelli), William Laborde (bottier basé à Londres) ou encore la bottière japonaise Masaru Okuyama. Le vainqueur ? Louis Lampertsdörfer, jeune bottier virtuose de Munich, fondateur de la maison Mogada. Il a imaginé une version à ligne Balmoral et coutures tressées qui lui a demandé pas moins de 200 heures de travail (!). Du grand art ! Et on ne parle pas des 24 autres propositions concurrentes, toutes plus étonnantes les unes que les autres.

« Le “double boucle” permet de nombreuses variations stylistiques, explique Jesper Ingevaldsson de Shoegazing, l’organisateur du championnat. Après le derby, le richelieu, la bottine et le mocassin, ce modèle est de loin le plus moderne jamais réalisé pour notre concours. » Actuel et indémodable, cette chaussure au look atypique a pourtant des origines lointaines. Les boucles qui ornent les souliers ont d’abord été portées par les moines au Moyen Âge – d’où le nom anglais aujourd’hui « monk straps » ou « double monks ». Ensuite, au XVIIIsiècle, elles deviennent un signe de distinction sociale. Louis XVI se fit même faire une paire à boucles serties de 80 diamants. Mais la Révolution française puis l’empereur Napoléon passent par là et simplifient drastiquement le vestiaire masculin. La chaussure à lacets s’impose alors. Mais le « double boucle » n’a pas dit son dernier mot. 

La bride de la sprezzatura

Les versions modernes, telles qu’on les connaît aujourd’hui, ne vont jamais cesser de séduire les élégants – des puristes avant tout qui ne jurent que par le mythique Westminster d’Edward Green ou l’incontournable William de John Lobb, modèle qui popularisera le genre dès sa création dans les années 40. Philippe Noiret en était un grand amateur. Le sommet de leur gloire reste cependant les années 2010. À cette époque, à Florence, impossible de croiser un dandy napolitain, en parade au Pitti Uomo, sans ces souliers aux pieds. Ces derniers arboraient fièrement des versions veau velours chocolat associées à des pantalons en flanelle gris clair et à revers ultra courts. Détail n°1 ? Les porter pieds nus ou avec de fines socquettes, de sorte à laisser entrevoir les chevilles. Détail n°2 ? Laisser la bride supérieure ouverte pour la touche « sprezzatura ». Ensuite, les réseaux sociaux ont pris le relais et le « double boucle » est devenu furieusement tendance. Une des particularités de ces souliers est de présenter une construction similaire à celles du derby. Avec ses quartiers ouverts et sa languette découpée dans la continuité de l’empeigne, le « double monk » se révèle particulièrement confortable même s’il n’offre pas le même niveau d’ajustement qu’un soulier à lacets.

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Retrouvez l’intégralité du dossier « Double Boucle » et la sélection de Monsieur dans la version digitale du numéro 175, disponible ici.

Créé dans les années 80, le Neal est l’un des modèles stars d’ Aubercy. Il a été conçu pour que le bas du pantalon arrive juste à recouvrir une seule des deux boucles.