Il a très tôt affuté son œil aux coupes et aux belles matières. Fan de denim et pièces militaires, le patron de la célèbre maison de caviar aime mélanger les styles et les époques. Mais, surtout, il n’est pas à la mode.
Vos souvenirs d’élégance ?
D’un côté, il y avait ma mère, mannequin pour Vogue qui baignait dans l’univers glam de la mode des années 70. De l’autre, mon père, impeccable dans ses costumes sartorial avec nœud papillon et moustache. C’est lui qui m’a transmis le goût des souliers.
Il était un grand ami d’Olga Berluti. Petit, j’ai eu la chance de visiter son atelier. Elle me montrait ses créations, m’expliquait l’art de la patine et l’influence de la lune sur le glaçage…. Mon oncle, lui, dessinait des tissus pour Montana, Mugler puis Hermès. Cela me fascinait. Je me suis très tôt intéressé aux coupes et aux matières. C’est ce qui me plaît dans les vêtements. Acheter une marque pour une marque n’a, pour moi, aucun intérêt.
Votre approche du style ?
Instinctive, selon l’humeur. Faire une valise m’apparaît comme un vrai casse-tête. Je ne sais pas dans quel état d’esprit je serai. Alors c’est toujours trop ou pas assez. Je n’ai jamais été à la mode. À 13 ans, je m’habillais dans un esprit « seventies » à partir de fripes chinées ici ou là. Aujourd’hui, c’est un mélange à la fois de styles et surtout de neuf avec ce qui a vécu. J’aime quand les vêtements racontent une histoire. Je peux par exemple porter un costume sur mesure très élégant avec une veste de para suisse multi-poches. J’aime le décalage et la couleur.
Côté pantalon ?
Sur la photo, je porte un chino japonais inspiré des « fatigue pants », les pantalons de repos de l’armée américaine. Sinon,
je collectionne les jeans, les 501 datant des années 70 à fin 80. Je les chine aussi bien sur Vinted que dans des friperies en province, en Angleterre ou en Allemagne. Je m’attarde sur le numéro des boutons, les liserés, la typo du logo, etc., autant de détails qui indiquent les années et le lieu de production.
Jamais en costume ?
Si au contraire. Et pas forcément pour une occasion particulière. J’aime en été les laines froides, le seersucker ou le lin. L’hiver,
les flanelles et le cachemire. Je mixe le costume avec une chemise en jean, un tee-shirt, un bandana… Dans tous les cas, ce dernier
sera, comme tout le reste de mon dressing, confortable. C’est essentiel pour moi sinon je ne suis pas bien mentalement. J’aime les tenues fluides mais dans un cadre.
Votre obsession ?
Le denim et les vêtements militaires. Je passe un temps fou à dénicher des pièces uniques. Cette quête me permet de rencontrer beaucoup de passionnés, attachés comme moi à l’amour des matières et aux détails. Une précision que je retrouve dans mon métier.
Et sinon ?
Je collectionne également les vestes en jean… Ma plus belle pièce est une « Trucker Type II » datant des années 50. Elle appartenait à mon oncle. Elle est en lambeaux mais parfaite avec sa coupe « boxy ». J’ai été arrêté plusieurs fois dans la rue avec elle sur le dos. J’aime aussi beaucoup les « starter jackets » vintage bien sûr. Ce sont les vestes de baseball américaines des années 90, celles de mon adolescence. Je ne pouvais pas me les payer à l’époque… Aujourd’hui, j’ai pris ma revanche, je pourrais en faire une exposition.
À votre poignet ?
J’aime les montres vintage, celles de chez Longines, Baume & Mercier, Universal Genève ou bien les montres de femmes signées Jaeger-LeCoultre.
Aux pieds ?
Vaste question. Je porte des souliers classiques – une soixantaine de paires, du derby Alden en cordovan aux mocassins Weston en passannt par des bottines Caulaincourt. Mais, aussi des sneakers, beaucoup de sneakers… Une cinquantaine de paires, Nike principalement (Air Force One, Vandal, Agassi, etc.). Là aussi, je ne sais plus où les mettre. Et je les porte toutes ! Mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les bottes ! Les santiags mexicaines avec le talon biseauté et les chevilles de montage en citronnier, les Gardiane en peau naturelle et bien sûr les bottes Harley. Mon côté rock’n’roll sans doute !
Le style, un héritage ?
J’ai cinq armoires… là où la plupart des gens en ont qu’une voire une et demie ! Je passe beaucoup de temps à ranger, à organiser car je garde tout. Je me rappelle qu’adolescent, j’ai adoré me plonger dans la garde-robe de mon père et lui emprunter des vêtements. J’imagine que cela sera pareil avec mon fils. Il n’a que 13 ans mais commence déjà à me piquer mes pantalons Carhartt, ceux que je portais dans les années 90.
Propos recueillis par Hélène Claudel