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Giorgio Armani ou le goût de la perfection

Précurseur dans de nombreux domaines, le couturier italien, décédé en septembre dernier, se démarquait par son style personnel, empreint d’une grande fluidité. 

Giorgio Armani

Giorgio Armani rêvait autant de liberté que de perfection. Pieds nus, vêtu d’un simple tee-shirt bleu nuit impeccable et d’un short immaculé, il recevait ses hôtes avec un mélange désarmant de simplicité et de sophistication. Comme Janus, le couturier avait deux visages. Il n’était jamais autant lui-même que dans sa villa de Pantelleria.

« Elle me ressemble dans son mélange de dureté et de douceur, dans sa réticence apparente qui cache une gentillesse subtile. C’est un peu comme mon personnage public, austère et intransigeant, cachant une sensibilité que j’ai préféré protéger plutôt que de l’afficher », confiait-il en évoquant son refuge insulaire – probablement son préféré parmi ses nombreuses résidences, entre son vaste appartement au cœur de Milan ou celui de Saint-Germain-des-Près à Paris et ses maisons à Forte dei Marmi, New York ou Saint-Tropez.

 

Précis, concis, essentiel, le style de Giorgio Armani tendait vers l’épure. Est-ce parce que ses parents avaient voulu faire de lui un médecin qu’il gardera toute sa vie le sens de la précision chirurgicale ?

Une attitude à contre-courant

Dans toutes ses activités, qu’il s’agisse du vêtement, de l’ameublement et du design ou même récemment de la création florale, ce perfectionniste appliquera la même rigueur. Une attitude qui était à contre-courant lorsqu’il fonde sa marque, il y a tout juste 50 ans. En 1975, la mode est aux proportions généreuses, aux couleurs chatoyantes, aux matières solides et aux constructions soutenues. Le premier coup d’éclat de Giorgio Armani sera de proposer une veste destructurée. En introduisant souplesse et légèreté, il a déjà un coup d’avance. En travaillant les teintes essentielles, en particulier le bleu et le gris, et une palette naturelle, il s’avère être un précurseur. En assouplissant les codes vestimentaires masculins et en déconstruisant la couture traditionnelle, il a ainsi amplifié le renouveau de la silhouette.

Des coupes inédites

De près ou de loin, le style Armani a influencé la confection de presque tous les costumes dans le monde. Pour certains experts de l’histoire de la mode, son apport au style masculin est comparable au bouleversement provoqué par Gabrielle Chanel dans le domaine féminin. « Giorgio Armani a révolutionné la couture pour hommes et femmes à partir des années 80. Ses formes, ses tissus, ses couleurs et ses constructions étaient tous inédits et sa continuité a été sans faille », notait Paul Smith. Sa vision de l’habillement masculin et son goût pour la sobriété ouvrent la voie à de nombreux jeunes gens qui se sentent perdus après les extravagances des années 70. « Je ne pense pas avoir possédé un seul costume correct avant de tourner American Gigolo », disait l’acteur Richard Gere (en Armani dans le film).

Une icône culturelle

Avant tout le monde, Giorgio Armani avait compris la capacité d’influence du cinéma et il dessinera les costumes de plus de 200 films en 50 ans, d’American Gigolo en 1980 à The Wolf of Wall Street en 2013, en passant par The Untouchables (Les Incorruptibles) en 1987 ou Goodfellas (Les Affranchis) en 1990. Pour avoir une idée précise du processus créatif de Giorgio Armani, il ne sera pas inutile de revoir le documentaire Made in Milan réalisé par Martin Scorsese. Remo Ruffini, CEO de Moncler, voit les choses ainsi : « Ce que Monsieur Armani a construit transcende la mode. C’est une icône culturelle. Sa vision créative a redéfini l’élégance, la transformant de simple tissu et design en expression personnelle de l’identité et du style de vie, reflet de la façon dont nous nous comportons dans le monde. Plutôt que de suivre les tendances, il les a guidées et inspirées, restant fidèle à ses idées pendant plus de 50 ans ». Les modes s’effacent, le style reste. Adieu Monsieur Armani !                                                                

Frédéric Brun