On voit bien à quel point la richesse n’a aucune importance. Tout l’argent du monde ne peut pas rendre Gatsby “digne” de Daisy », écrit Francis Scott Fitzgerald dans Gatsby Le Magnifique. Et de poursuivre : « L’argent de l’ancienne aristocratie est le meilleur ». Telle est la morale de l’histoire. La classe dite « Old Money » est supérieure à celle du « New Money » – comprenez nouveaux riches – au point de rendre toute relation amoureuse impossible entre les deux castes.
Entre Gstaad et Monaco
D’une problématique sociale dans les années 20, la distinction est devenue aujourd’hui une tendance de mode, séduisant ceux qui n’ont pas forcément de chevalière armoriée au petit doigt ou de lien de parenté avec la famille Rothschild. Depuis deux ans en effet, l’esprit « Old Money » – c’est-à-dire inspiré des « vieilles fortunes » – est le style de ceux qui savent et qui veulent en être. Une esthétique tout en sobriété évoquant un monde fantasmé fait de bon goût. Une vision où l’argent n’est plus une question mais le fruit de la tradition et d’un long héritage, comme l’illustre avec tant d’humour l’influenceur @theGstaadGuy, parodie hilarante d’un aristocrate franco-anglais pompeux, un million de followers à ses basques. Le personnage évolue entre son chalet de Gstaad, son yacht à Monaco et son manoir londonien – « le héros dans la cape en cachemire », comme il se définit.
Les codes de la société « tradi »
Le phénomène « Old Money » a envahi les réseaux sociaux, cumulant des dizaines de milliers de vues et captivant une jeunesse en quête de nouveaux codes vestimentaires, moins décontractés. De la coupe de cheveux (au bol) aux manteaux (covercoats) en passant par les couleurs (beige, blanc, bleu marine, chocolat) jusqu’aux chiens adéquats (Cavalier King Charles, Labrador, etc.), chacun y va de sa définition et de son tuto pour tenter de définir cette élégance élitiste. Sur les podiums, même chose, les codes de cette société « tradi » inspirent les créateurs comme c’est le cas chez Fendi, Louis Vuitton, Brioni, Drôle de Monsieur, Boglioli…
Un style qui s’inscrit dans la tendance du « Quiet Luxury », ce luxe discret qui agite la planète mode ces derniers temps et qui veut faire de la sobriété le summum du chic. Exit les logos ostentatoires, place à la qualité, la durabilité et les teintes « nude ». Parmi les marques de prédilection de ce mouvement, The Row, Loro Piana ou encore Brunello Cucinelli, des maisons capables de proposer un tee-shirt uni à 2 000 € parce qu’il est conçu dans un cachemire ultra fin ou une laine exceptionnellement rare.
Le « Quiet Luxury » est un snobisme, une façon d’afficher son statut social en toute discrétion et de favoriser la culture de l’entre-soi.
Car qui peut mieux que celui qui le porte identifier les « quatre petites coutures » signature d’un pull Margiela ? Parfois, la frontière entre la crème du chic et le symbole du nouveau riche peut s’avérer poreuse. Exemple ? Les « white soles » de Loro Piana. Très confidentiels au départ, ces mocassins à semelles blanches ont rapidement basculé du côté des milliardaires parvenus avant de devenir le modèle phare de l’été, au catalogue de la plupart des chausseurs.
Une richesse sur trois générations
À côté du « Quiet Luxury », le raffinement « Old Money » semble avoir un côté plus conservateur basé sur l’éducation, la pérennité et, finalement, sur des codes qui ne changent pas. « L’Old Money a une identité forte, enracinée dans soi-même, le travail et la famille, et non dans les possessions matérielles, les perceptions de statut social, et certainement pas dans la célébrité, assure Byron Tully dans son livre The Old Money Book, How to Live Better While Spending Less. L’Old Money fait ce qui est le mieux pour le long terme, et non ce qui pourrait être agréable ou immédiatement expédient. Il se soucie plus de devenir réellement riche que de donner l’apparence d’être riche. »
En tout cas, son élégance intemporelle est une manière de se distinguer, même si c’est en silence. Cette façon de voir le monde et de s’habiller prend racine dans l’aristocratie européenne du XIXe siècle avant de trouver un écho aux États-Unis, chez les descendants de colons qui avaient fait fortune avant la Révolution américaine (1765-1783). Précisons qu’il faut au minimum jouir d’une richesse sur trois générations pour mériter l’étiquette « Old Money », d’après le spécialiste Byron.
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Par Hélène Claudel
Retrouvez l’intégralité de notre dossier consacré au style « Old Money » dans notre numéro n°170, disponible ici en version digitale.
LES INDISPENSABLES OLD MONEY