Artiste majeur du pop art, Andy Warhol cultivait son élégance comme il peignait. Il jouait beaucoup avec les codes de « l’upper class », collectionnait les montres et les souliers. Coup de projecteur inédit sur sa plus grande œuvre : lui.
«Andy doit être absolument furieux d’être mort. » Ainsi son amie Fran Lebowitz commentait, en 1987, la disparition de la plus importante personnalité de la scène artistique américaine de l’époque moderne. Ce commentaire parut dans les pages de Interview, le magazine d’art et de mode qu’Andy Warhol (1928-1987) avait fondé pour – disait-il – « donner quelque chose à faire aux enfants ». Depuis 1969, Interview était devenu l’organe de communication de la Factory, cet immense atelier-usine tapissé d’aluminium où une nouvelle jet-set underground – « ses enfants » – s’était créée autour de Paul Morrissey, Nico (Christa Päffgen), Gerard Malanga, William Burroughs…
Un uniforme à la Mad Men
Dans cet espace argenté, le style de vie et les vêtements étaient devenus aussi importants que l’art qui s’y produisait. Si le génie naît parfois de l’imitation, ou des modes, celui de Warhol puisa ses premières forces dans la frustration. Publicitaire de talent, le jeune Warhol rêvait de pénétrer dans le monde de l’art. Les artistes lui tournèrent le dos assez rapidement, avec un snobisme que Warhol ne supporta pas. Issu d’une famille pauvre d’origine slovaque, ce jeune gay mal dans sa peau était pourtant d’une ténacité et d’une clairvoyance hors du commun. Déjà, il avait su se faire remarquer par son style vestimentaire très « East Coast », arborant des costumes en seersucker, des bucks claires, des nœuds papillons ultrafins et des lunettes de vue à la monture épaisse et carrée. Un uniforme à la Mad Men, qui était certes à la page mais que Warhol maîtrisait bien mieux que ses collègues new-yorkais.
« Devenir Pop »
En décidant de se détacher du romantisme encore en vogue dans le milieu artistique, Warhol fut l’un des premiers à rejoindre le tout jeune mouvement du pop art. Mais si Roy Lichtenstein ou Frank Stella se cachaient dans leurs ateliers, Andy décida d’absorber la pop, de littéralement « devenir pop ». Fascination pour le rêve américain, production en série, mystification du commerce… Il aimait répéter : « Seuls les gens simples aiment ma peinture. Il faut plusieurs années à un intello pour apprécier l’art abstrait, et je pense qu’il lui serait difficile de me situer en tant qu’artiste. Je n’ai jamais été touché par un tableau. Je n’ai pas envie de réfléchir. Le monde extérieur serait plus facile à vivre si nous étions tous des machines. De toutes façons, il n’y a rien après. D’ailleurs, mon œuvre ne durera pas. J’ai utilisé de la peinture bon marché ». Avec cette attitude, parfois vue comme cynique, Warhol condensait le style de « l’Américain upper-class » tout en clamant vouloir devenir invisible, aussi neutre que possible. « Ce que j’aime dans ce cas, c’est qu’on oublie le style. Le style n’est pas vraiment important. » George Brummell n’aurait pas dit mieux.
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Par Massimiliano Mocchia di Coggiola
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