Énième sociotype, le « Flower Boy » est arrivé en même temps que le printemps et il persiste en automne. Avec son allure androgyne et délicate, il est le dernier avatar de la virilité…
Dans les années 2000, il y a eu « le métrosexuel », cet homme qui assume sa part féminine en se tartinant de crème – David Beckham en tête d’affiche. Puis, « l’übersexuel », une version plus virile – mais pas macho – avec barbe de 3 jours et quelques poils sur le torse façon George Clooney. Ensuite, « le rétrosexuel » a débarqué avec Don Draper de la série Mad Men, en figure de proue, avant d’être supplanté par « le spornosexuel », un type accro à la salle de sport qui porte des baggys au niveau des genoux – comme Justin Bieber. Puis, en 2014, les « marketeux », qui ne savaient pas trop comment caser les hipsters, ont créé le « lumbersexuel », un barbu bobo bûcheron à chemise à carreaux avec un MacBook Air (plutôt qu’une hache) dans le sac à dos.
Homme post #metoo
Aujourd’hui, émerge le « soft boy ». Une énième typologie qui refléterait une nouvelle conception de la masculinité déjà en place depuis quelques années. Une masculinité plus fluide, déconstruite, qui n’hésite pas à emprunter au féminin dans ses manières d’agir comme dans celles de se vêtir. Un phénomène qui n’aurait rien d’anodin. Sur TikTok, le hashtag #softboy cumule aujourd’hui plus d’un milliard de vues. Cet homme post #metoo serait le contrepied du « fuck boy », le beau parleur à la masculinité toxique. C’est là que les choses se compliquent. Attention, préviennent certains magazines féminins, malgré sa gueule d’ange, « ses intentions sont aussi mauvaises que celles du manipulateur ». Allons bon. Le « soft boy » serait-il, lui aussi, un salaud ?
Virilité douce
Heureusement, l’homme « so baby girl »1 est là. Avec son allure androgyne et délicate, il serait le cousin du « soft boy » mais en plus sympathique. Cette expression, réservée jusqu’ici aux femmes « adorables », s’appliquerait désormais également aux hommes « gentils » (en apparence ?) et vulnérables, en tout cas à ceux qui proposent une virilité douce, loin de la domination du mâle alpha (et d’une pilosité abondante). Exit donc le « bad boy », le « fuck boy », et le méchant « soft boy ». Exit aussi, le « métrosexuel » et tous ses descendants qui, globalement, présentent les attributs, de façon plus ou moins forte, d’une masculinité imposante. Les réseaux sociaux, experts pour amplifier et rendre viral tout (et n’importe quoi), ont élu l’acteur australien Jacob Elordi (Euphoria, Elvis Presley dans Priscilla, Saltburn, etc.) comme l’ambassadeur des « so baby girls ».
Un collier de grande dame sage
Il est sensible et séduisant, a une collection de sacs à main plus grande que celle de Sarah Jessica Parker, fait la couverture du mag britannique Man about Town avec des boucles d’oreilles et un crop top, tout cela en restant très viril. Il a d’ailleurs aussi toute une collection de « girlfriends ». On pourrait aussi citer Timothée Chalamet qui arpente les tapis rouges avec sa nonchalance et son dos-nu ou le chanteur Harry Styles, avec sa manucure parfaite et son collier de perles de grande dame sage. Précisons que ces hommes « so baby girls » sont hétéros. Ils sont si à l’aise avec leur masculinité qu’ils parviennent à s’affranchir des codes du genre. Ici, situé entre 26 et 30 ans, le sociotype peut englober les quarantenaires (Swann Arlaud, l’avocat génial dans Anatomie d’une chute) et même des personnalités plus âgées comme Pedro Pascal (Game of Thrones, Narcos, etc.). Il n’y a pas d’âge pour être « so baby girl ». Mais ce n’est pas tout.
Adieu les biscotos
Sous l’influence de la culture coréenne et du succès de ses boys-bands de K-Pop, ces hommes pleins de fraîcheur et à la beauté éthérée sont aussi appelés « flower boys » – « kkothminam » pour ceux qui parlent coréen. Le « so baby girl », ce « soft boy » sympa serait donc aussi un « homme fleur » ou « en fleur »… Vous suivez ? En tout cas, c’est lui, cette année, l’archétype de l’homme sexy et le gentleman adulé de la génération Z. Adieu les biscotos et la puissance, place aux gringalets gentils et spontanés, proches des filles. Les créateurs de mode tels que Kim Jones chez Dior, Alessandro Michele chez Gucci ou encore Silvia Venturini Fendi s’en donnent à cœur joie. Dans leur collection, ils n’ont de cesse de piocher dans le vestiaire féminin pour redessiner la silhouette de ce nouvel idéal tout en subtilité et tenter, au passage, de faire évoluer les mentalités. Une mode encore bien loin de l’homme de la rue même si la tendance du vestiaire « gender fluid » est bien en marche. La question ? Le « flower boy » aura-t-il le temps de fleurir vraiment… avant de se faner ?
Hélène Claudel
1 « so baby girl » pourrait se traduire par « tellement chou ».