Le directeur artistique de Chevignon revient aux fondamentaux. Sous son impulsion, la marque au colvert réédite ses pièces phares des années 80-90. Le tout avec une nouvelle approche écoresponsable qui pousse un peu plus haut le curseur de la qualité. Un retour vers le futur placé sous le signe du style et de la durabilité.
Comment expliquez-vous le capital sympathie que véhicule aujourd’hui Chevignon ?
Il y a un souvenir positif qui entoure la marque et qui a traversé les générations. Cela tient aussi à la qualité des produits qui a su, depuis le départ dans les années 80, rester irréprochable et donc marquer les esprits dans le bon sens. Les hommes continuent d’être attachés à Chevignon par ce que ses pièces racontent du passé – leur côté vintage – et leur haute durabilité.
La marque a plus de 40 ans aujourd’hui. Rappelez-nous les origines de cette success-story à la française.
Tout démarre en 1979, lorsque Guy Azoulay décide de réinterpréter les codes du vêtement militaire américain à l’image de notre blouson d’aviateur, la « flight jacket », qui rencontra un immense succès. La guerre du Vietnam venait de se terminer (1975), les vêtements de l’US Army submergeaient les surplus américains. Chevignon est né en même temps que ce vintage-là. Originaire d’Avignon, Guy faisait partie, tout comme Albert Goldberg pour Façonnable, Éric Breuer et Daniel Crémieux, de la clique surnommée « La French Riviera ». Quatre hommes originaires du sud de la France, fascinés par l’Amérique et son style décontracté. Si Chevignon restait en marge de ce trio au style classique avec une approche plus utilitaire du vêtement, tous ont répondu à une demande qui n’existait pas encore dans l’Hexagone. Tous y ont importé l’American Dream. Avec une touche, une élégance… française bien sûr.
L’Amérique est-elle toujours au cœur des influences de Chevignon ?
Oui, mais pas seulement. Chevignon s’inspire du monde d’aujourd’hui et d’un éclectisme international. Notre ADN issu du vintage américain se mêle aux tendances actuelles ainsi qu’aux icônes masculines inspirantes tels que les cow-boys, les aviateurs, les sportifs, les astronautes… Le voyage est au cœur de notre identité. Chaque saison, il est présent dans les collections. Les années passées, il y a eu les Bardenas en Espagne qui, avec leurs grandes étendues semi-désertiques, apportaient un côté « western » aux vêtements. Puis, Miami avec un style chasse et pêche dans les Keys ou encore l’Islande pour un esprit Into the Wild. Cet hiver, c’est la Bretagne avec un accent « british » et « université anglaise » très chic. Le prochain, ce sera toujours un carnet de voyage mais, cette fois, tourné autour de l’architecture, dont je suis féru, et des sentiments. Il y aura en effet une idée de transmission entre la génération qui a porté Chevignon, il y a 30 ou 40 ans, et celle qui découvre l’univers aujourd’hui.
Votre arrivée en 2016 à la direction artistique a marqué un retour aux années 90, l’âge d’or de la marque. Racontez-nous.
En effet, j’ai recentré Chevignon sur ses fondamentaux, fait revivre ses doudounes, blousons en cuir et autres pièces à manches qui ont construit son histoire et sa gloire. J’ai repensé ces emblématiques en twistant leur allure avec désinvolture de façon à ce qu’elles soient plus jeunes, plus déjantées, plus dans l’air du temps. À côté de ces pièces nouvelles, j’ai exhumé des archives, les modèles phares de la marque dans les années 90 pour les rééditer. On peut en découvrir 6 cet hiver mais l’été prochain ce sera 50 % de la collection, et celui de 2023, environ 90 %. Ce sont ces modèles originaux qui écriront l’histoire de Chevignon de demain.
Comment ces rééditions ont-elles été retravaillées ?
Quasiment à l’identique ! Les 6 pièces de la collection actuelle – à savoir les doudounes Varsity et Baseball, le teddy, les blousons Cosmoon, Camera et Caméraman – ont été créées en essayant d’être le plus proche des modèles originaux qui datent de 1987 à 1993. Les coupes, les bords-côtes, les badges et écussons brodés, les jeux de contrastes… chaque détail reste d’une grande fidélité. En revanche, les matières ont été revues de telle sorte à être les plus durables possibles et le moins impactantes pour la planète.
Le colvert a-t-il pris son envol écoresponsable ?
Tout à fait. Un envol plus « premium » également. Le fait d’épurer nos collections en nous concentrant sur les essentiels nous a permis de déployer une approche plus intelligente et responsable. Donc plus qualitative. Nous privilégions le tannage végétal pour nos cuirs, les tissus français et recyclés, la réutilisation des plumes et duvets de canard, le recyclage des peaux issues de l’industrie agroalimentaire, la réduction des étiquettes et emballages plastiques, etc. Nous veillons aussi à ce que nos partenaires et usines soient tout aussi irréprochables. Pour résumer : nous prenons le temps nécessaire pour « bien faire » nos produits. C’est un luxe aujourd’hui.
Chevignon – notamment à travers sa mythique doudoune Togs – était la marque préférée des ados dans les années 90. Aujourd’hui, à qui s’adresse ce dressing « néo-vintage » ?
À tout le monde. Mais nous ne sommes pas là pour plaire à tout le monde pour autant. Nous sommes là parce que nous aimons le vêtement. J’ai entre les mains des pépites, des pièces authentiques au patrimoine incroyable. Je n’attends pas qu’elles soient à la mode pour continuer à raconter leur histoire.
1987 collection hiver
Le blouson Camera
Une pièce inspirée des parkas utilitaires des pilotes de la Royal Air Force anglaise durant la Seconde Guerre mondiale. Col et manches en mouton retourné, corps en coton gros twill et nylon, un mix and match très Chevignon.
1987 collection hiver
La veste Caméraman
D’inspiration militaire, elle était utilisée par les cameramen qui en, reportage, raffolaient de ses 4 poches très fonctionnelles. Autrefois déclinée en toile et mouton, elle se présente aujourd’hui en peau lainée et cuir. Toujours avec son col châle.
1988 collection hiver
Le blouson Cosmoon
Une totale hybridation s’inspirant d’un blouson d’aviateur de l’armée avec son col ski en mouton retourné, son corps en nylon très serré et ses empiècements de cuir sur les épaules façon blouson Varsity.
1990 collection hiver
La doudoune Baseball
Un blouson de sport d’université monté sur une doudoune. Le tout réversible. Sur l’endroit, des manches raglan et un corps en nylon gaufré. Sur l’envers, le nylon est en ripstop, matière synthétique très robuste utilisée par l’armée.
1990 collection hiver
Le teddy
Le traditionnel blouson de sport de l’université américaine. Tous les codes du modèle authentique ont été conservés. Les badges, les broderies jusqu’à l’inscription 57, date de naissance de Guy Azoulay.
1993 collection hiver
La doudoune Varsity
À mi-chemin entre la doudoune et la varsity jacket avec son col teddy, ses bandes en cuir sur les épaules, son corps en drap de laine, sa broderie sur la poitrine, et la partie nylon et duvet au niveau des manches et du dos.