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Quand les intellos se mettent à la « muscu »

Fini l’image ringarde des « gros bras ». La musculation, désormais sport préféré des jeunes, séduit jusqu’aux hommes politiques. Une bonne nouvelle ? En tout cas pour le cerveau, qui, sous l’effet de la fonte, se renforce lui aussi. 

Sous l’impulsion des réseaux sociaux, le culte du corps baraqué et performant est devenu une mode qui n’est plus l’apanage des classes populaires. (©Valeriy Kachaev / Alamy Images)

Qui a dit « gros muscle, petit cerveau » ? Les scientifiques ont prouvé le contraire ! Renforcer son corps, c’est aussi booster ses neurones. Une étude de l’Institute of Technology du Massachusetts 1 a découvert que la musculation déclenche la sécrétion de substances biochimiques – les myokines –, des molécules messagères qui favorisent la croissance nerveuse, agissent sur la plasticité du cerveau et son bon fonctionnement. Faire de l’exercice pourrait aussi avoir des effets neuroprotecteurs notamment contre des maladies de type Alzheimer. Alors un seul mantra, vive les myokines !

Un hippocampe efficace

Ce n’est pas tout. Une autre étude de l’université de Tohoku2 au Japon, effectuée cette fois sur des jeunes âgés de 19 à 27 ans – et non plus sur des souris comme celle du Massachusetts –, a démontré que la musculation aurait aussi une incidence sur la mémoire. Les volontaires, qui ont effectué les levées de poids intenses demandées par les universitaires, se souvenaient davantage des mots à retenir que les autres. Et cela deux jours après la séance de muscu. Conclusion des spécialistes ? L’hippo-campe communiquait mieux avec les cortex pariétal et occipital.

46% des 16-25 ans pratiquent la musculation 

« Une excellente nouvelle », se disent les parents d’enfants qui n’ont pas toujours ce satané hippocampe dans les starting-blocks. Surtout lorsqu’on sait que 46 % d’entre eux, entre 16 et 25 ans3, pratiquent aujourd’hui la musculation – soit 16 % de plus qu’il y a 10 ans. Le temps où les jeunes fumaient des clopes en écoutant Led Zeppelin est révolu. Aujourd’hui, c’est « génération muscu », on soulève de la fonte et on gobe de la créatine. Sous l’impulsion des réseaux sociaux, le culte du corps baraqué et performant est devenu une mode, voire pour certains, une obsession.

« Dans un monde incertain, où le sentiment de dépossession peut être puissant, le travail sur le corps permet de reprendre la main, de planifier un projet à soi et pour soi », analyse Guillaume Vallet, auteur de La Fabrique du muscle. C’est aussi un marqueur fort de virilité. On croirait un retour aux années 80, aux années Stallone et Schwarzenegger, où le corps musclé à outrance – loin des proportions idéalisées mais naturelles des statues grecques – était un symbole de puissance et de supériorité masculine.

Même Emmanuel Macron soulève la fonte

Ringardisé, ce modèle est aujourd’hui célébré, non plus par les classes populaires mais par l’élite politique et économique. À commencer par le président américain Donald Trump qui réintroduit, au programme scolaire des collégiens et
lycéens, les pompes et les tractions. Mais aussi Jeff Bezos, le patron d’Amazon, qui avec ses 15 kilos de muscles (!) explose dans ses polos ou encore Mark Zuckerberg posant, pectoraux et abdos saillants, entre deux champions de MMA, sport qu’il pratique assidûment avec le jiu-jitsu. Même Emmanuel Macron soulève de la fonte. C’est ce qu’a révélé Emmanuel Carrère au Guardian4. L’écrivain qui accompagnait le président dans un voyage au Groenland et lors d’un sommet du G7, raconte : « Emmanuel Macron n’a pas vraiment changé, si ce n’est qu’il a manifestement pris l’habitude de faire de la musculation. Dans un tee-shirt noir moulant, il affiche des biceps assez impressionnants, qu’il ne se contente pas d’exhiber, mais qu’il malaxe avec une satisfaction visible. » 

L’élite politique et économique

On pourrait citer d’autres hommes politiques adeptes de la muscu comme Justin Trudeau, Jordan Bardella ou encore le député Ian Brossat. Le muscle serait-il devenu une valeur sûre ? Pour Guillaume Vallet, « les dirigeants politiques ont bien compris le phénomène actuel de valorisation du corps, donc eux-mêmes mettent le leur en scène parce que cela signifie ‘‘j’ai réussi à avoir ce corps-là parce que j’ai une discipline et elle est essentielle pour faire face à ce monde où tout fout le camp”. Le muscle est associé au guide masculin suprême qui est là parce qu’il est le plus fort ». Alors quoi, bientôt des bodybuildés à l’Assemblée ? Peut-être que des gros bras à l’hippocampe bien gainé arriveront enfin à bout d’un budget.                               

Louis Armel

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1- MIT, 2023. – 2- Brain & Behavior, février 2024. 3- UCPA-Crédoc, 2023. – 4- 15 juillet 2025.